Charles Michel tout à son job de propagandiste du rêve patronal  : la voix de son maître

Charles Michel FEBLe fidèle compagnon du patronat

Dans Le Soir du 27 juillet 2018, présentant son « job deal » sensé combler les emplois vacants dans certains secteurs économiques, Charles Michel fanfaronne : « on a tellement réussi à créer de l’emploi dans le secteur privé que nous sommes confrontés à un grand nombre d’emplois vacants. (…) C’est gigantesque ».

Son diagnostic a pourtant été démenti à maintes reprises par des études fouillées 1. D’une part, les créations d’emploi consistent surtout en des emplois à temps partiel ou de mauvaise qualité. Et d’autre part, la conjoncture économique a eu plus d’effet sur la création d’emplois que les cadeaux concédés par le gouvernement aux entreprises (réductions de cotisations sociales, dérégulation du marché du travail, etc…). De plus, le cheval de bataille de la FEB qui prétend que plus de 140.000 emplois restent vacants malgré le chômage repose sur une analyse tronquée et partiale de la situation, largement contestée elle aussi 2. Donc, pas de quoi pavaner car ce calcul simpliste ne tient pas lorsqu’on prend en compte la nature des emplois vacants et le profil des demandeurs d’emploi. Il s’agit surtout de mettre la pression sur les chômeurs pour les pousser à accepter les conditions de l’employeur (salaires, horaires) et d’économiser encore plus sur les allocations sociales. On connaît l’allergie patronale à s’acquitter de cotisations et d’impôts.

Dans un communiqué de presse 3, enfermée dans son obstination, la FEB exprime sa satisfaction à l’égard de ces nouvelles dispositions sensées répondre aux besoins des entreprises et de distiller des justifications où n’interviennent jamais les conditions de vie et les besoins de la population. Frisant l’indécence, elle se réjouit notamment du renforcement de la dégressivité des allocations de chômage et de la remise en cause de la rémunération à l’ancienneté.

En conséquence, l’enthousiasme de Charles Michel, c’est surtout celui de la FEB, raison pour laquelle on peut qualifier ses propos de « La voix de son maître ». A l’instar de l’image emblématique de la marque His Master Voice, le premier Ministre accordant exclusivement son attention aux désidératas du patronat (et de la NVA), est tout à son job de propagandiste du rêve patronal qu’il se charge de concrétiser.

Un plan socialement destructeur

Une analyse objective du contenu de ces nouvelles mesures ne fait que confirmer l’orientation de ce gouvernement dont l’action vise à détruire tout les outils de solidarité sociale (sécurité sociale) et les garanties (droit du travail) conquises par les travailleurs. Prendre connaissance de quatre de ses mesures suffit à s’en convaincre :

  • La remise en cause de la formation des salaires liées à l’ancienneté et à l’âge pour un système lié à la « compétence » et à la « productivité » qui ouvre la voie à l’arbitraire. Et tant pis pour les travailleurs âgés ou en mauvaise santé.
  • La dégressivité accrue des allocations de chômages qui, déjà, ne permettent pas de vivre décemment.
  • Les crédits temps reportés à 60 ans, au lieu de 55 ans actuellement.
  • La fin de la prépension à 56 ans.

D’ailleurs, du côté syndical, les réactions ne se sont pas fait attendre. Les trois grands syndicats ( FGTB, CSC et CGSLB) soulignent le caractère désastreux pour les travailleurs du « job deal » 4.

Bernard Fusulier, sociologue du travail interviewé par le quotidien Le Soir (édition du 25/07/2018) va dans le même sens en déconstruisant l’apparent « bon sens » ressortant du discours gouvernemental. Retenons les critiques essentielles exprimées dans cette interview. «  (…) plus qu’une nécessité (le job deal) participe d’avantage à une volonté de mieux contrôler le travail » . « L’enjeu pour le patronat est sans doute de réduire la masse salariale et de faire en sorte que les travailleurs soient continuellement sur le gril, que les cartes soient à chaque fois rebattues autour d’une négociation sur la valeur d’une personne dans une entreprise ». « Globalement, ces mesures vont dans le même sens. (…) Un système de travail plus intensif. Alors que le travailleur est déjà soumis à beaucoup de pression, quel que soit le secteur ». « Va-t-on encore accentuer le sentiment d’être taillable et corvéable à merci, sans savoir de quoi demain sera fait ? En tant que sociologue, je dirais que c’est une logique de flexibilisation et d’intensification engagée ». Sur l’efficacité de la politique : « Cela fait vingt ans que l’on assiste à des mesures dites d’activation et de formation, et je ne vois pas où se trouve le progrès. Ce sont des recettes utilisées depuis longtemps ». Et de conclure que le gouvernement n’est pas « disruptif » comme il le prétend, mais dans le « conformisme économiciste ».

Ce nouveau paquet de mesures a en effet de quoi effrayer la majorité de la population. Quel sera l’issue pour les travailleurs, d’un côté, pressés par l’employeur dans leur course sans fin aux gains de productivité, et de l’autre, s’ils tombent malades, dans l’impossibilité de « souffler », poussés vers la remise au travail prônée par Maggie De Block ? Et c’est bien là que se situent réellement, concrètement, les conséquences du « job deal » ; au niveau des conditions de vie des citoyens ordinaires. A ce stade, il ne s’agit plus d’une simple indifférence du gouvernement à l’égard des questions sociales, mais d’une hostilité bien réelle à l’égard des catégories les plus modestes de la population.

Le gouvernement des nantis

Au delà de la catastrophe sociale se pose un problème aigu de démocratie. Qui décide de la politique menée dans le pays ? La minorité des détenteurs de capitaux et des dirigeants d’entreprises ou la grande majorité constituée par les salariés, les allocataires sociaux, les pensionnés ou les petits indépendants ?

La démocratie est également une affaire de classes sociales et force est de constater que le gouvernement, viscéralement élitiste, est l’exécutant exclusif de la première catégorie. Comment ne pas penser à ce qu’observaient déjà Marx et Engels en 1848 ? « Un gouvernement moderne n’est qu’un comité qui administre les affaires communes de toute la classe bourgeoise » 5

En conséquence, dire qu’on aux prises avec un gouvernement de classe n’est pas un slogan mais la réalité objective à laquelle nous sommes confrontés.

Le gouvernement Michel De Wever n’adopterait-il pas la devise « His master voice » ?

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Sur le même thème, voir également : « Un gouvernement très marqué idéologiquement »


Notes

2 Voir notamment :  » La pénurie sur le marché du travail est une fable« , service d’étude du PTB. –  « Métiers en pénurie et éléments discriminants« , étude de la FGTB.

 

5 « Manifeste du Parti Communiste », Karl Marx, Friedrich Engels, éd. Le Livre de Poche, traduction Corine Lyotard.

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