Article de Rachel Knaebel et Pierre Rimbert paru dans Le Monde Diplomatique de novembre 2019
Compte rendu :
La chute du Mur de Berlin « fête » ses 30 ans. C’est l’occasion pour les médias dominants de resservir l’histoire officielle d’une réunification de l’Allemagne, heureuse, synonyme de libération pour la population de l’ex-RDA. Pourtant, l’histoire réelle est moins idyllique. A l’analyse, on est forcé d’admettre que l’absorption des territoires de l’Allemagne de l’Est s’est faite sous la contrainte dans un climat violent de pressions politiques et de prédation économique orchestrées par les autorités et les puissances économiques de la République Fédérale d’Allemagne (RFA).
C’est ce que montre cet article du Monde Diplomatique, indispensable face au discours officiel des commémorations, tant l’envers du décor est quasi toujours ignoré :
« (…) en Allemagne de l’Est, l’accès aux libertés politiques et à la consommation de masse fut payé au prix fort – celui d’un effondrement social et d’une prédation économique souvent ignorée à l’Ouest ».
« (…) Helmut Kohl procède en quelques mois à un spectaculaire coup de force : l’annexion d’un Etat souverain, la liquidation intégrale de son économie et de ses institutions, la transplantation d’un régime de capitalisme libéral ».
Pourtant, comme le soulignent les auteurs de l’article, on était loin de l’unanimité pour rejoindre purement et simplement le bloc occidental :
« Dans les semaines qui suivent la chute du Mur, l’écrasante majorité des opposants au régime aspire non pas à l’unification, mais à une RDA démocratique – à 71 % selon un sondage du Spiegel (17 décembre 1989) ».
Par ailleurs, l’écrivaine Christa Wolf défendait l’appel « Pour notre pays », plaidant pour le développement « d’une alternative socialiste à la RFA ». Lancé le 26 novembre, l’appel recueillit 1,6 millions de signatures.
Tout autant ignorée par les autorités ouest-allemandes, la « Table ronde, créée le 7 décembre sur le modèle polonais et hongrois pour « préserver l’indépendance » du pays et rédiger une Constitution, (où) mouvements d’opposition et partis traditionnels esquissent les contours d’un socialisme démocratique et écologique ».
Ce dépeçage de l’économie est-allemande au profit de groupes privés et le chômage de masse qui suivit ne figurent pas dans les discours de commémoration de la chute du Mur.
Un article à découvrir absolument si l’on veut sortir des ornières de ces commémorations.